mercredi 24 décembre 2014




Tardi
C'était la guerre des tranchées

Source de l'image : bd.casterman.com

Identifier la nature de l’œuvre : qu'est-ce qu'une Bande dessinée ? 

La bande dessinée ou BD est un art (souvent appelé neuvième art) défini comme la « juxtaposition volontaire d'images picturales et autres, en séquences destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur. »
La bande dessinée est un moyen de communication permettant de raconter des histoires par le biais de la combinaison texte-image. C’est également un art constitué d’un ensemble de moyens d’expression qui lui sont propres, les bulles, les cases et les onomatopées, et de moyens dérivés du dessin, du cinéma et de la littérature.
Source : d’après « la BD – l’art d’en faire » CRDP Poitou Charente 

Situer l’œuvre dans le temps et dans son contexte et en expliquer l’intérêt historique : chronologie de la BD - 
Source : http://www.histoiredesarts.culture.fr/

1833 Publication à Genève de la 1ère BD
1889 La Famille Fenouillard de Christophe, première grande série populaire française.
1905 Bécassine, illustrée par Joseph Pinchon dans La Semaine de Suzette.
1908 Les Pieds Nickelés de Louis Forton dans L’Épatant.
1929 Les Aventures de Tintin d’Hergé
1930 Premier strip de Mickey Mouse distribué par le King Features Syndicate.
1938 Premier numéro de l’hebdomadaire belge Spirou et son groom dessiné par Rob-Vel : lance le genre des super-héros.
1963 Le critique de cinéma Claude Beylie forge l’expression « neuvième art ».
1964 Le mensuel Garo, fondé par Katsuichi Naga, ouvre le champ du manga d’auteur.
1970 Corto Maltese d’Hugo Pratt dans Pif Gadget.
1974 Premier Salon international de la bande dessinée d’Angoulême.

Brève présentation de l'auteur : 

Jacques Tardi (né le 30 août 1946 à Valence) est un auteur et dessinateur de bande dessinée français. Jacques Tardi débute aux Beaux-Arts de Lyon puis entre aux Arts Déco de Paris 
Il est surtout connu pour la série des Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec et pour son travail sur la Première Guerre mondiale. Il est lauréat en 1985 du Grand prix de la ville d'Angoulême et en 2011 de deux Eisner Awards. Nommé Chevalier de la  Légion d’Honneur en 2013, il refuse cette distinction

Décrire l’œuvre et en expliquer le sens

Thématique et objectif de l'oeuvre :
"C'était la guerre des Tranchées" est une oeuvre dédiée à son grand-père
Il ne s’agit pas de raconter historiquement la guerre de 1914-1918,  ni de témoigner puisque J. Tardi ne l’a pas vécu. Toutefois, l'auteur a été bercé par les récits de son grand-père. Ce témoignage d'un poilu  fait donc partie de sa culture d’enfant. 
A travers cette oeuvre, Jacques Tardi s’interroge surtout sur  la place de l’Homme dans cette guerre. 

"Ce qui a retenu mon attention, c'est l'homme, quelle que soit sa couleur ou sa nationalité, l'homme dont on dispose, l'homme dont la vie ne vaut rien entre les mains de ses maîtres" [....] Je ne m’intéresse qu'à l'homme et à ses souffrances (...) " (Préface de Tardi)

Dans son oeuvre, volontairement, il n'y a pas de héros. L'auteur veut surtout souligner la déshumanisation provoquée par cette guerre technique, brutale, industrielle.
Il rejoint en cela l’historiographie récente concernant la Première Guerre mondiale. 
Tardi n'a pas voulu faire non plus un travail d'historien. Toutefois, il s'est appuyé sur l'avis d'un historien JP Verney.

 « La Guerre c’est d’abord les hommes qui la font » A Prost
"La violence guerrière ramène toujours à une histoire du corps. A la guerre, ce sont les corps qui se heurtent, qui souffrent, qui infligent la souffrance ». Stéphane Audouin-Rouzeau

Stéphane Audouin-Rouzeau, historien s’interroge d'ailleurs : comment les soldats ont-ils pu tenir quatre ans au fond des tranchées ?

Jacques Tardi ne suit pas non plus un enchaînement chronologique des faits. Il s'agit plutôt d'une succession d'actions s'étant déroulées durant la Première Guerre mondiale.

Description et analyse de l'oeuvre d'après une série de vignettes sélectionnées et étudiéespar les élèves.

L' oeuvre tout entière est en noir et blanc, sans aucune couleur. Différentes techniques sont utilisées  pour provoquer des effets tels que l'isolement du personnage, terreur……


Vignettes de la page 31

Comparaison de la dernière vignette avec l'oeuvre d'Otto Dix, La guerre


La première vignette de Tardi représente un paysage dévasté et désolé. Il n'y a plus rien d'humain dans ce paysage, plus aucune vie, pas même un arbre. Tout semble calciné, brûlé. La seconde vignette, c'est l'explosion d'un obus dans une tranchée. Le texte reprend des termes que l'on peut trouver dans des lettres de poilus : "les obus éventraient le sol torturé". Le parallèle entre l'oeuvre d'Otto Dix et la dernière vignette de Tardi est saisissant. On retrouve le même arbre décharné, calciné qui domine le paysage. Un corps pulverisé se retrouve suspendu sur l'un des branches.

Vignette p 20

Cette vignette fait explicitement référence aux mutineries de 1917. Tardi évoque là un sujet douloureux de la Première Guerre mondiale, ceux que l'on appelle les "fusillés pour l'exemple".
Ces soldats et leur famille sont déshonorés. Leur mémoire n'est pas honorée après-guerre.  Il a fallu attendre le discours de Lionel Jospin, alors premier ministre, le 5 novembre 1998, à Craonne, pour que " ces soldats, " fusillés pour l'exemple ", au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale. »

Vignette p 111
Cette vignette fait référence au gaz Ypérite. Appelé aussi "gaz moutarde" car il se présentait comme un liquide huileux jaune avec une odeur d'ail et de moutarde. Parmi les armes chimiques déployées durant la Première Guerre mondiale, le gaz moutarde est l'un des gaz  les plus dangereux.
Ce gaz fut notamment utilisé par les allemands en juillet 1917 près d'Ypres d'où son nom de gaz ypérite. Ce gaz de contact provoque des cloques très douloureuses sur la peau des victimes, irrite les yeux, enflamme les paupières et rend momentanément aveugle. (source : centenaire.org.fr)


 Vignette p 123

Cette vignette n'évoque pas seulement les mutilés mais aussi les gueules cassées. Là encore, on peut faire un parallèle avec l'oeuvre d'Otto Dix, Les joueurs de skat. Toutefois, Otto Dix fait des gueules cassées des "pantins désarticulés" avec des appareillages improbables. Ici, la réalité est bien présente, saisissante, voire effrayante.